Un amour insensé
Yvain venait de blesser à mort le seigneur du château, qu’on portait en procession
vers sa tombe. Bien dissimulé derrière une fenêtre, il épiait la sinistre cérémonie.
L’épouse du seigneur restait seule à contempler le linceul qui recouvrait son mari
ensanglanté. Désespérée, la dame déchirait ses vêtements, se griffait le visage, laissait
toute sa douleur exploser et se répandre librement. C’était un torrent de tristesse,
de détresse et d’amertume impuissante1. (73 mots)
Et lui, Yvain, responsable de toutes ces blessures, il voyait cette femme et,
malgré lui, il s’attachait à la perfection de ce corps, à l’éclat de ce visage, à la
blondeur transparente de ces cheveux. Voilà que le désir d’amour s’infiltrait par
son oeil jusqu’à s’emparer de son âme. Oui, il aimait la veuve de l’homme qu’il
venait de massacrer. À son tour, il était terrassé par la simple vision de cette femme
désormais inaccessible. Yvain était séduit par la beauté même de la douleur et de la
fureur d’un amour assassiné. (92 mots)
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